L’exhumation est une coutume rituelle funéraire qui consiste à envelopper par de nouveaux linceuls en soie les défunts pendant la période d’hiver pour qu’ils ne prennent pas froid, a expliqué à Xinhua un responsable à la maison culturelle à Antananarivo, la capitale malgache.
A l’origine, l’exhumation a été pratiquée pour les cas des personnes décédées loin de sa région d’origine et une fête a été organisée lors du rapatriement des dépouilles dans le caveau familial afin que cette personne repose tranquillement auprès des siens.
Dans la tradition malgache, c’est lors de l’exhumation que les défunts accèdent au statut d’ancêtres pour qu’ils puissent apporter leur bénédiction aux descendants vivants.
D’habitude, l’exhumation est pratiquée en réaction à un membre de la famille qui a fait un rêve que leur aïeul a pris froid et réclame de nouveaux linceuls.
Le week-end dernier, la famille de M. Rakotomalala Jules Raymond, un homme célèbre dans la vente de la soie malgache à l’ étranger, décédé en juillet 2005 à l’âge de 72 ans, a organisé cette rituelle. La cérémonie s’est passée à Ambohimandry, village à 48 km à l’ouest d’Antananarivo, où se trouve le tombeau familial et la maison familiale.
Après avoir consulté un "mpanandro", une sorte d’astrologue ou devin malgache pour désigner la date propice de l’exhumation, les membres de la famille de Rakotomalala Jules Raymond, dans le pays qu’à l’étranger, se sont convenus d’ouvrir un compte bancaire pour y déposer leur cotisation.
Selon l’un des membres de la famille, le compte a pu regrouper près de 3,4 millions d’Ariary (1.700 USD) en un an, mais il a été décidé que chaque membre de la famille puisse apporter leur contribution à part les cotisations dans le compte bancaire dédié à cet effet.
"Plus de 10 millions d’Ariary ont été dépensés pour cet événement car chaque famille a fait don de tout ce qui manquait aux rituelles", a-t-on indiqué.
Le nombre d’invités, incluant des membres de la famille lointain, les voisins proches de Rakotomalala Jules Raymond ainsi que les notables du village, est évalué à 1200 personnes. Ces convives devront être nourris et satisfaits jusqu’à la satiété.
Il faut prévoir une ration double pour chaque invité car c’est une fête, comme ça, les convives se souviendraient de cet événement et donnant plus de notoriété à la famille, a-t-on expliqué.
A part les menus festifs composés de "vary be menaka" ou riz imbibé d’huile et de viande grasse, la famille Rakotomalala a prévu trois sortes de mets dont la viande de zébus, la viande de porc très gras et de dindes, pour ceux qui ne mangent pas de porc.
Dans la tradition, les malgaches se contentent de riz et de viande de zébus très grasse mais cette famille a fait le maximum pour l’honneur de leur aïeul.
Du vin et de l’eau en bouteille ont été servis au repas si le " toaka gasy" ou rhum fabriqué à partir de canne à sucre ou de tamarin à forte dose suffisait aux autres événements de ce genre.
La célébration dure pendant deux jours. La veille du grand jour, toute la population du village a eu droit à un grand spectacle dans une salle de fête du lieu où des musiques traditionnelles folkloriques animés par des chanteurs et des danseurs célèbres s’y trouvent.Le samedi à 06h00 tapante (heure locale) selon la recommandation du devin, un représentant du descendant Rakotomalala a fait un discours à la Malgache, agrémenté d’adages et de proverbes, devant le tombeau de la famille.
Le corps de Rakotomalala Jules Raymond a été retiré de son tombeau et les membres de la famille, vêtus des mêmes accoutrements pour qu’ils se distinguent des autres invités, portent le corps sur leurs épaules jusqu’à la cour de la maison familiale située à une centaine de mètres du tombeau familial.Le corps est exposé à sa famille, aux invités et à la population du village d’Ambohimandry.
Pendant ce temps, les invités procèdent à la donation du "kao- drazana", une somme d’argent offerte par chaque invité aux familles de l’exhumé pour marquer leur solidarité avec eux.
Après, les proches parents procèdent à l’exhumation proprement dite, en enveloppant le corps avec son ancien linceul par du nouveau linceul en soie sauvage et d’attacher le corps par cinq liens.
Un linceul de qualité supérieure est acheté de 200.000 Ariary à 400.000 Ariary (100 à 200 USD) mais comme la famille est de fabriquant de linceul et de dérivés de soie, chacun a apporté le maximum.
Ce rituel est accompagné de chant et de danse et les larmes sont interdites dans ce moment là, un signe que les vivants sont heureux d’accompagner leurs ancêtres dans leurs places respectives.
Après l’emballage du corps, les descendants du défunt emportent avec bonheur sur leurs épaules le corps de l’exhumé en dansant et en exprimant leur joie.
Les musiciens et les danseurs sont payés. Pour les joueurs de flûte, la famille a payé près de 150.000 Ariary (environ 75 dollars) pour leur service de deux jours, tandis que le groupe de danseurs a été payé environ 350 dollars pour leur animation lors de l’événement.
Avant d’être mis dans le tombeau familial, selon les coutumes, le corps de l’exhumé est porté sept fois autour de la tombe pour que ce dernier puisse se souvenir de son propre tombeau, a-t-on expliqué.
Après ces rites, le corps est remis à sa place dans le tombeau de la famille suivi des prières des descendants d’octroyer la bénédiction de ces ancêtres.
L’exhumation est pratiquée même pour les familles chrétiennes car les Malgaches accordent une importance particulière aux ancêtres et leur bénédiction après l’exhumation.
Pendant toute la célébration de l’exhumation, le drapeau malgache est toujours mis en évidence signifiant que ce rituel est une culture malgache et qui rapproche les familles en dispersion et les rendant plus solidaires.
Dans l’anthropologie malgache, les Malgaches croient que tous les objets utilisés lors de la cérémonie d’exhumation sont devenus sacrés.
En s’appropriant seulement d’un morceau de linceul qui a été en contact avec le défunt lors de l’exhumation, les femmes stériles croient qu’elles peuvent enfanter après la fête.En général, les Malgaches pratiquent l’exhumation sauf pour l’ethnie Vezo, dans le sud-ouest du pays, et la célébration varie d’un lieu à un autre.
Dans la partie occidentale du pays, elle doit avoir lieu un an après l’enterrement tandis qu’à l’est, elle se produit dans deux ou trois ans après l’enterrement.
A Fianarantsoa pour l’ethnie Betsileo (au centre sud), les gens ne retirent pas le défunt dans la tombe de la famille, mais ils portent les nouveaux linceuls dans le tombeau.
Quoi qu’il en soit, les Malgaches sacrifient et économisent beaucoup pour pouvoir pratiquer en bonne et due forme l’exhumation et, des fois, laisse sur leur faim, les vivants.
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Graphique (Pas rites de passage): Ces graphiques expliquent la discrimination dans le travail.